Un bailleur est en droit de refuser le renouvellement d’un bail commercial à son locataire. Cependant, en cas de refus du renouvellement du bail commercial, le bailleur s’expose à devoir verser au locataire, aussi appelé le preneur, une indemnité d’éviction.

Qu’est-ce que l’indemnité d’éviction ? Comment est calculé le montant de l’indemnité d’éviction ? Crédit Mutuel Immobilier vous aide à mieux comprendre les enjeux liés à l’indemnité d’éviction.

Indemnité d’éviction : le contexte

Au terme d’un bail commercial, si aucune des deux parties ne se manifeste (propriétaire bailleur ou locataire), le bail commercial se prolonge de façon tacite pour une durée indéterminée. Dans ce cas, le propriétaire ou le locataire peut demander à n’importe quel moment de mettre fin à la tacite prolongation du bail commercial par l’intermédiaire d’un commissaire de justice (anciennement, un huissier de justice) sous un délai minimum de 6 mois avec pour échéance le dernier jour du trimestre de l’année civile.

Pour éviter cette tacite prolongation qui n’engage aucune des deux parties, le locataire est en droit d’anticiper la fin du bail en faisant valoir son droit de renouvellement du bail commercial.

À noter que pour être éligible au renouvellement du bail commercial, le locataire :

  • Doit être propriétaire du fonds de commerce
  • Doit avoir assuré l’exploitation de l’activité durant les trois années précédant la fin du bail commercial
  • Doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au registre national des entreprises (RNE)

En savoir plus : Qu’est-ce que le droit au renouvellement d’un bail commercial ?

Toutefois, le bailleur est en droit de refuser le renouvellement du bail commercial au locataire :

  • Via un acte de commissaire de justice
  • En invoquant des raisons graves et légitimes qui l’incitent à refuser le renouvellement du bail : charges et loyer non payés, local mal entretenu, défaut d’exploitation du fonds de commerce...
  • En précisant que le locataire est en droit de contester cette décision ou de demander le versement d’une indemnité d’éviction en saisissant le tribunal dans un délai de deux ans

Une indemnité d’éviction pour compenser la perte des locaux d’activité du preneur

Après un refus de renouvellement de bail commercial, le locataire est donc en droit de réclamer, dans un délai de deux ans, une indemnité d’éviction. Cette indemnité d’éviction représente une compensation financière directement versée au locataire. L’indemnité d’éviction a pour but de réparer le préjudice provoqué par l’arrêt ou le transfert de l’activité.

En effet, si le bail commercial n’est pas reconduit, le commerçant ou l’artisan doit quitter les lieux. Il est ainsi obligé de suspendre, de transférer, voire d’arrêter définitivement son activité. Il est donc logique qu’il reçoive une compensation financière pour réparer le préjudice causé par l’éviction.

Comment est calculé le montant de l’indemnité d’éviction ?

L’indemnité d’éviction est donc censée compenser l’intégralité de valeur financière du préjudice subi par le non-renouvellement du bail commercial du locataire. Le calcul de l’indemnité d’éviction se révèle complexe. Et pour cause, selon la possibilité de déplacer l’entreprise ou non, le calcul de l’indemnité d’éviction est différent.

Quoi qu’il en soit, l’indemnité d’éviction est toujours constituée d’une indemnité principale se rapportant à l’entreprise et d’indemnités accessoires (ou annexes) liées aux conséquences de l’éviction.

L’indemnité de transfert (ou de déplacement)

Si l’activité du locataire est transférable, c’est-à-dire qu’elle peut être déplacée dans des locaux équivalents et situés à proximité du local initial, lui garantissant d’éviter une perte de clientèle significative, on parle alors d’indemnité de transfert ou de déplacement.

L’indemnité d’éviction principale est alors calculée en fonction :

  • De la valeur du droit au bail, c’est-à-dire, de la valeur à laquelle le locataire aurait pu céder son ancien bail commercial
  • Du montant du transfert du fonds
  • Du coût généré par l’achat éventuel d’un nouveau pas-de-porte

L’indemnité de remplacement ou de perte de fonds

Si l’activité du locataire est considérée comme non transférable, c’est-à-dire qu’en déplaçant son activité, le preneur risque de perdre une partie significative de sa clientèle, on parle alors d’indemnité de remplacement ou de perte de fonds.

L’indemnité d’éviction principale représente alors la valeur marchande du fonds de commerce, si cette dernière est supérieure à la valeur du droit au bail ou inversement.

Les indemnités d’éviction annexes ou accessoires

À l’indemnité d’éviction principale s’ajoutent des indemnités accessoires. L’évaluation des indemnités accessoires est réalisée en prenant en considération les autres conséquences directes de l’éviction comme :

  • Les frais de déménagement et de réinstallation de l’entreprise
  • Les frais de licenciement du personnel
  • Le trouble commercial
  • Le trouble d’exploitation
  • Les frais et droits de mutation à payer aux services fiscaux pour le transfert d’un fonds de commerce de valeur identique à celui perdu
  • Les frais de réinstallation du fonds de commerce
  • Les frais de double loyer

Qui fixe le montant de l’indemnité d’éviction ?

Le montant de l’indemnité d’éviction peut être déterminé à l’amiable entre le bailleur et le locataire. Si rien ne les empêche de convenir du montant et des conditions de l’indemnité d’éviction, il est souvent préférable pour eux de faire intervenir un intermédiaire extérieur comme un expert immobilier ou encore un avocat spécialisé en droit des contrats pour qu’il procède à une évaluation en toute neutralité.

Si le locataire et le bailleur n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente, l’une ou l’autre des parties peut saisir le tribunal pour s’en remettre à un juge. Le juge a alors la tâche d’évaluer le préjudice causé par le non-renouvellement du bail et le montant de l’indemnité d’éviction qui doit permettre de le réparer.

À noter que si l’indemnité d’éviction se révèle trop importante pour le bailleur, ce dernier peut choisir de revenir sur sa décision en acceptant le renouvellement du bail commercial, conformément à l’article L145-58 du Code de Commerce.

Non-renouvellement du bail commercial sans verser l’indemnité d’éviction : est-ce possible ?

Enfin, il faut savoir qu’un non-renouvellement du bail commercial sans que le bailleur ait à verser l’indemnité d’éviction au locataire reste possible dans certaines situations très précises :

  • Le bailleur invoque un comportement grave et illégitime du locataire : loyer et charges non payés, fonds de commerce non exploité, local non entretenu ou non réparé par le preneur alors que cela est prévu dans le bail commercial
  • Le bailleur propose de construire ou de reconstruire un local de remplacement au locataire
  • L’éviction est liée à la démolition d’un immeuble insalubre ou vétuste
  • L’éviction a lieu dans le cadre de la transformation du local d’activité en un local d’habitation